De la parole collectée à l'acte théâtral
Le théâtre du tapis Bleu est né en 2014 et travaille sur des spectacles et des projets liés aux témoignages et aux récits de vie, aux journaux intimes, aux brèves, aux petits secrets… tout ce qui rentre dans le champ de la vie personnelle et de la forme théâtrale de proximité.
Toutes les créations sont issues d’un travail de collectage. Le Tapis Bleu, par opposition au tapis rouge, travaille pour donner une visibilité aux anonymes, pour faire entendre ce qui se dit en secret. Le collectage fait parti intégrante de son processus de création et du travail de la compagnie.
Elle fait du Théâtre "de mémoire". Plus qu’un archivage de récits ou de souvenirs c’est la possibilité de relier la grande histoire de notre société à ses « petites histoires ». C’est apprendre de nos aînés, de nos enfants, de nos voisins.. C’est faire du THÉÂTRE, et utiliser cet art de la parole, comme un véhicule de mémoire et un lieu de témoignages. Faire des spectacles, c'est préserver et transmettre le patrimoine immatériel glané. C'est, avant tout acte de création, rencontrer les futurs personnages et leur donner une voix. C'est pour la compagnie, donner du sens à la création et utiliser le théâtre comme vecteur de la mémoire orale.
Le Théâtre du tapis bleu tient également son nom d'un petit lieu intimiste investi par la compagnie en 2014 dont la jauge était de 19 spectateurs ! C'est aussi le tapis bleu de la salle de bain , lieu on ne peut plus intime..!
La compagnie mène également un travail de transmission sur le territoire de Redon auprès des
enfants, des jeunes, des publics fragilisés ou mixtes et des familles.
Son premier spectacle Madeleines , met en lumière les jeunes filles qu'ont été les femmes de 75 à 100 ans, leurs souvenirs d’enfance, la découverte de l’amour et de la sexualité, leurs premiers pas dans une vie d'adulte bousculée par la guerre..
Il a été créé en 2015 et a été joué une cinquantaine de fois dans des médiathèques, festivals, centres culturels ou encore chez l'habitant.
Son deuxième spectacle (en cours de création) la petite , a été soutenue par la Quincaille-maison des artistes à Poullaouen et le centre culturel Grain de Sel - Séné. Il interroge la transmission familiale et ce que le décès des grands parents provoque au sein d'une famille.
L'écriture a été ensuite confiée à une auteure Morbihannaise (même auteure que Madeleines).
L'auteure s'est inspirée du collectage mené à Huelgoat ainsi que des propres souvenirs et de la famille de la comédienne.
Sous la plume délicate de Sandrine Lemevel-Hussenet et la lumière fantasmagorique, la petite fille évolue sur un plateau nu entre la chambre de la grand mère décédée et les meubles et objets qu'elle fait revivre pour raconter qui était sa grand mère et, comme la parabole du chaperon rouge, quel patrimoine féminin son aïeule lui a légué.
Mamm Gozh
"Si tes/vos grand parents étaient un objet, ils seraient quoi ? Ils auraient quoi à raconter ?"
C'est un outils de médiation créé en parallèle du spectacle la petite Pour les écoles et collèges, sur la mémoire des objets et la relation aux grands parents.
Les interventions se déroulent sur 4 temps :
Au préalable, de la première rencontre, il est demandé à chaque élève de choisir soit un objet qui raconterait un de ses grand parents soit un objet qui raconterait les origines de sa famille.
Ensuite, l'élève parle librement de l'anecdote ou de l'histoire liée à l'objet avec une amorce de personnification de l'objet : Quel est son angle de vue ? Quelles pourraient être ses émotions, quelle est sa relation à l’aïeul-e ?…
Puis, en classe ou en groupe, les élèves sont accompagnés pour écrire un monologue en personnifiant l'objet.
Enfin, une mise en espace ou un travail d'interprétation (selon le temps imparti) des textes est proposé aux élèves ce qui achève pleinement de rendre vivant cet objet à qui on prête des émotions, une mémoire et un corps. Une présentation en maison de retraite peut permettre un temps d’échange riche entre les résidents et les élèves.
Extrait (Evan - 6A – collège de Huelgoat-2018) :
Le prix. « Tu me regardes grand-père ? Je sais que je suis le plus grand prix que tu aies gagné ! Quand tu me regardes, j'ai l'impression que tu vois ta carrière défiler. Depuis que je te connais, j'ai su que tu méritais ce prix car tu es un grand travailleur. Maintenant, je suis vieux et sale, c'est normal tout le monde vieillit. Quand tu étais jeune, je te voyais tous les jours et tu m'admirais chaque fois que tu passais devant moi. Tu m'as bien fait rire, tu me changeais de place tous les jours et maintenant les jours passent et j'ai trouvé ma place. Et tu vois l'ancien, je suis un résistant comme toi ! Ce ne sont pas trois taches qui vont achever mon histoire ! »